« Je Ne Planterai Pas Trop. Je Sais Que Tu Ne Me Quitteras Pas. Ta Conscience Ne Te Laissera Pas Être Paresseux »
Gérard était assis sur la terrasse, sirotant son café du matin, et regardait le vaste jardin. Le soleil commençait à peine à se lever, projetant une teinte dorée sur l’herbe couverte de rosée. Il soupira profondément, sachant ce qui l’attendait pour la journée. Sa femme, Zoé, avait insisté pour planter un potager cette année, et aujourd’hui était le jour où ils devaient commencer.
« Gérard, es-tu prêt ? » appela Zoé depuis l’intérieur de la maison. Elle apparut dans l’embrasure de la porte, les mains sur les hanches, avec un air déterminé sur le visage.
« Est-ce qu’on doit vraiment faire ça ? » demanda Gérard, essayant de masquer sa réticence. « On pourrait simplement planter de l’herbe et profiter de l’espace. Pourquoi se donner tout ce mal ? »
Zoé secoua la tête. « Tu sais combien j’aime les légumes frais. En plus, c’est un bon exercice et ça nous occupe. »
Gérard savait qu’il valait mieux ne pas argumenter davantage. Zoé avait toujours été la plus énergique et déterminée des deux. Il termina son café et se leva, s’étirant le dos. « D’accord, commençons. »
Ils passèrent les heures suivantes à labourer le sol, à marquer des rangées et à planter des graines. Le dos de Gérard le faisait souffrir et ses mains étaient couvertes de terre. Il ne pouvait s’empêcher de penser à quel point il serait plus facile d’avoir simplement une pelouse sur laquelle se détendre.
Au fil des jours et des semaines, le jardin commença à prendre forme. Zoé y était tous les matins, arrosant et désherbant, tandis que Gérard aidait quand il le pouvait. Il ne pouvait nier que le jardin commençait à être impressionnant, mais il ne pouvait se défaire du sentiment que c’était plus de tracas que cela n’en valait la peine.
Un soir, alors qu’ils étaient assis sur la terrasse en regardant le coucher du soleil, Gérard se tourna vers Zoé. « Je ne comprends toujours pas pourquoi nous devons travailler si dur dans ce jardin. Nous pourrions nous détendre en ce moment. »
Zoé sourit doucement. « Gérard, ce n’est pas seulement pour les légumes. C’est la satisfaction de cultiver quelque chose de nos propres mains. C’est passer du temps ensemble et créer quelque chose de beau. »
Gérard hocha la tête, bien qu’il ne soit pas entièrement convaincu. Il appréciait la passion de Zoé, mais il ne pouvait s’empêcher de penser que leur temps pourrait être mieux utilisé.
À mesure que l’été se transformait en automne, le jardin prospérait. Ils récoltèrent des tomates, des concombres, des poivrons et bien plus encore. Zoé était ravie de leur récolte, mais l’enthousiasme de Gérard diminuait. L’entretien constant l’épuisait.
Un jour particulièrement chaud de fin août, Gérard se retrouva seul dans le jardin. Zoé était partie rendre visite à sa sœur pour le week-end, le laissant en charge de l’arrosage et du désherbage. Il se tenait là, regardant les rangées de plantes, se sentant accablé.
« Pourquoi est-ce que je fais ça ? » murmura-t-il pour lui-même. « Ce n’est pas ce que je voulais. »
Il envisagea de laisser le jardin tel quel, le laissant se débrouiller seul pendant quelques jours. Mais ensuite il pensa au visage de Zoé lorsqu’elle reviendrait pour trouver son jardin bien-aimé négligé. Sa conscience ne lui permettrait pas d’être paresseux.
Avec un soupir lourd, Gérard prit l’arrosoir et se mit au travail. En passant d’une plante à l’autre, il ne pouvait se défaire du sentiment de ressentiment qui grandissait en lui.
Quand Zoé revint ce dimanche soir-là, elle trouva Gérard assis sur la terrasse, l’air épuisé.
« Merci d’avoir pris soin du jardin, » dit-elle en l’embrassant sur la joue.
Gérard força un sourire. « Bien sûr. »
Mais au fond de lui, il savait que ce n’était pas ce qu’il voulait. Le jardin était devenu un symbole de leurs désirs et priorités différents. Tandis que Zoé y trouvait joie et épanouissement, Gérard se sentait piégé par les exigences constantes.
À l’approche de l’hiver et alors que le jardin entrait en dormance, Gérard ne pouvait s’empêcher de ressentir un certain soulagement. Mais il savait qu’au printemps prochain, ils seraient de retour à la tâche. Et il n’était pas sûr de pouvoir continuer cette mascarade encore longtemps.