« Insomnie et Cuisine : Une Nuit de Réflexion »
Nora n’avait pas dormi depuis ce qui lui semblait être une éternité. L’horloge murale égrenait les secondes, chacune plus bruyante que la précédente. Elle jeta un coup d’œil au plan de travail de la cuisine, encombré d’ingrédients qu’elle n’avait pas encore utilisés. Malgré son épuisement, elle avait décidé de cuisiner. C’était une façon de garder son esprit occupé, d’éviter les souvenirs hantants qui menaçaient de la submerger.
Elle attrapa un couteau et commença à couper des légumes, le mouvement rythmique lui procurant une apparence de calme. Tandis qu’elle travaillait, ses pensées dérivèrent vers Grégoire, son ex-mari. Il n’était pas juste un homme ; il était une énigme. Lorsqu’ils se sont rencontrés pour la première fois, il avait été l’incarnation du charme—gentil, courtois, et toujours avec un sourire capable d’illuminer une pièce. Mais c’était avant qu’elle ne voie l’autre côté de lui.
Nora se souvenait de la première fois où elle avait remarqué que quelque chose n’allait pas. Ils étaient mariés depuis un an, et Grégoire avait commencé à rentrer tard, ses excuses étant peu convaincantes. Elle avait d’abord balayé cela d’un revers de main, attribuant cela au stress du travail. Mais ensuite, il y avait eu les nuits où il ne rentrait pas du tout, et les appels téléphoniques qu’il prenait à voix basse.
Une nuit, elle l’avait suivi. Elle se sentait comme un personnage de l’un de ces romans policiers qu’elle aimait tant. Elle l’avait observé rencontrer une autre femme, leurs rires résonnant dans l’air nocturne. Son cœur s’était brisé en mille morceaux, mais elle ne l’avait pas confronté. Pas encore.
Le bruit de l’eau bouillante la ramena au présent. Elle ajouta des pâtes dans la casserole et les remua distraitement. La cuisine était remplie de l’arôme de l’ail et des herbes, mais cela ne suffisait pas à lui remonter le moral.
L’esprit de Nora vagabonda jusqu’au jour où elle avait finalement confronté Grégoire. C’était leur anniversaire de mariage, et elle avait prévu un dîner spécial. Il était rentré tard, comme d’habitude, sentant un parfum qui n’était pas le sien. Elle avait attendu qu’ils soient assis à table avant de parler.
« Qui est-elle ? » avait demandé Nora, sa voix tremblante.
Grégoire l’avait regardée avec ses yeux bleus perçants, dépourvus de toute émotion. « Ça n’a pas d’importance, » avait-il dit platement.
« Ça n’a pas d’importance ? » La voix de Nora s’était élevée. « Nous sommes mariés depuis trois ans, Grégoire ! Comment peux-tu dire que ça n’a pas d’importance ? »
Il avait haussé les épaules, comme si toute leur relation n’était rien de plus qu’une gêne. « Les gens changent, » avait-il simplement dit.
Cette nuit-là, Nora avait fait ses valises et était partie. Elle s’était installée chez son amie Claire, qui avait été un pilier de soutien à travers tout cela. Mais même Claire ne pouvait effacer les souvenirs qui la hantaient.
Les pâtes étaient prêtes. Nora les égoutta et les mélangea avec la sauce qu’elle avait préparée. Elle dressa la table pour une personne et s’assit pour manger. Chaque bouchée avait le goût de cendres dans sa bouche, mais elle se força à continuer. Elle avait besoin d’énergie.
Tandis qu’elle mangeait, elle pensa à combien sa vie aurait pu être différente si elle n’avait pas rencontré Grégoire. Elle aurait pu être heureuse, peut-être même fonder une famille. Mais ces rêves étaient depuis longtemps envolés, remplacés par des nuits blanches et des séances de cuisine interminables pour occuper son esprit.
Nora termina son repas et nettoya la cuisine. Elle regarda à nouveau l’horloge ; il était passé minuit. Elle savait qu’elle ne dormirait pas cette nuit non plus. Les souvenirs étaient trop forts, trop vifs.
Elle se dirigea vers le salon et s’assit sur le canapé, tirant une couverture sur ses épaules. La pièce était silencieuse à l’exception du tic-tac de l’horloge. Nora ferma les yeux et prit une profonde inspiration, essayant de trouver un semblant de paix.
Mais la paix était insaisissable, tout comme le sommeil. Et au fur et à mesure que la nuit avançait, Nora réalisa que certaines blessures ne guérissent jamais ; elles deviennent simplement une partie de ce que vous êtes.