« Ma Mère Économisait Chaque Centime, Mais J’en Ai Payé le Prix »
En grandissant dans une petite ville de Normandie, mon enfance était loin de l’image idyllique que l’on voit dans les films. Ma mère, parent célibataire, était toujours très économe. Elle travaillait deux emplois pour joindre les deux bouts et était déterminée à économiser chaque centime possible. Bien que ses intentions fussent bonnes, l’impact sur ma vie fut profond et durable.
Dès mon plus jeune âge, je portais des vêtements de récupération souvent trop grands ou trop petits. Mes camarades de classe se moquaient de mes tenues démodées et mal ajustées. Je me souviens d’un hiver où mes chaussures avaient des trous, et mes pieds étaient trempés en allant à l’école. Ma mère insistait sur le fait que de nouvelles chaussures étaient un luxe que nous ne pouvions pas nous permettre.
Les repas à la maison étaient toujours les options les moins chères disponibles. Nous mangions beaucoup de soupe en conserve, de pâtes et de céréales de marque générique. Les fruits et légumes frais étaient des friandises rares. Je me couchais souvent le ventre vide parce qu’il n’y avait pas assez de nourriture pour tout le monde. Ma mère disait : « Nous devons économiser pour l’avenir », mais j’avais l’impression que nous sacrifiions le présent.
Le divertissement était un autre domaine où ma mère faisait des économies. Alors que les autres enfants allaient dans des parcs d’attractions, au cinéma et en colonies de vacances, je restais à la maison. Ma mère me disait de trouver du plaisir dans des choses simples comme lire un livre ou jouer dans le jardin. Je rêvais des expériences que mes amis vivaient, mais elles étaient toujours hors de portée.
Un des souvenirs les plus douloureux fut lorsque j’ai demandé un vélo pour mon anniversaire. Tous les enfants du quartier avaient des vélos, et je voulais les rejoindre. Ma mère a dit que nous ne pouvions pas nous le permettre et m’a acheté une trottinette d’occasion à la place. Elle était vieille et rouillée, et j’avais honte de la conduire. Je me sentais exclu.
En grandissant, le ressentiment s’est accumulé en moi. Je comprenais que ma mère essayait d’économiser de l’argent pour un avenir meilleur, mais j’avais l’impression qu’elle économisait à mes dépens. Quand est venu le moment d’aller à l’université, elle a fièrement annoncé qu’elle avait économisé assez pour payer mes frais de scolarité. Mais à ce moment-là, le mal était fait. J’avais manqué tant d’expériences qui avaient façonné la vie de mes pairs.
À l’université, j’avais du mal à m’intégrer. Mon éducation m’avait laissé socialement maladroit et peu sûr de moi. Alors que les autres étudiants parlaient de leurs vacances en famille et de leurs aventures d’enfance, je n’avais rien à partager. Je me sentais comme un étranger, toujours en marge des cercles sociaux.
Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai déménagé dans une autre ville pour commencer ma carrière. Ma relation avec ma mère est devenue tendue. Nous parlions rarement, et quand nous le faisions, c’était souvent tendu. Elle me rappelait les sacrifices qu’elle avait faits pour mon éducation, mais je ne pouvais pas oublier les années de privation.
Maintenant, en tant qu’adulte, j’ai du mal à tourner la page sur le passé. Ma mère vit toujours dans notre ancienne maison, fière de sa prudence financière. Elle me dit souvent comment elle a réussi à économiser suffisamment pour vivre confortablement à la retraite. Mais chaque fois qu’elle mentionne ses économies, cela me rappelle ce que j’ai perdu.
Je sais que ma mère a fait ce qu’elle pensait être le mieux, mais il est difficile de ne pas ressentir de l’amertume. Les années de frugalité ont laissé des cicatrices qui ne se sont pas encore refermées. Alors qu’elle économisait chaque centime pour un avenir meilleur, j’en ai payé le prix d’une manière que l’argent ne peut pas réparer.