« Ma sœur a découvert que j’avais déménagé à la campagne. Elle m’a envoyé sa fille. J’ai regretté d’avoir accepté »

Lorsque j’ai décidé de quitter l’agitation de Paris pour une vie plus tranquille dans la campagne normande, je pensais me préparer à une existence paisible. Les collines ondulantes, les vastes terrains et la promesse d’un rythme plus lent étaient séduisants. J’ai acheté une petite ferme en périphérie d’un minuscule village, et pendant les premiers mois, je me suis délecté de la tranquillité.

Ma sœur, Élise, qui vivait encore dans notre ville natale agitée avec sa fille Émilie, était à la fois envieuse et préoccupée par mon changement de vie radical. Élise a toujours été la plus prudente, et l’idée que moi, son frère cadet Jean, vive seul dans un endroit aussi isolé l’inquiétait. Malgré mes assurances que j’étais heureux, elle ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter.

Un jour, sans crier gare, Élise m’a appelé avec une demande — ou plus précisément, une faveur. Sa fille, Émilie, traversait une phase de rébellion. À 16 ans, elle devenait plus que ce qu’Élise pouvait gérer en ville. Ses notes déclinaient, et elle avait commencé à fréquenter de mauvaises compagnies. Désespérée et espérant un changement, Élise m’a demandé si Émilie pouvait venir vivre avec moi un moment. Elle pensait que la campagne pourrait lui faire du bien, un endroit pour réinitialiser ses perspectives.

À contrecœur, j’ai accepté. J’aimais Émilie, et si je pouvais aider de quelque manière que ce soit, je sentais que c’était ma responsabilité d’essayer. Une semaine plus tard, Émilie est arrivée, le visage fermé, ses valises lourdes de bien plus que des vêtements — le poids de sa vie actuelle était palpable.

Les premiers jours ont été difficiles. Émilie était clairement malheureuse et la ville lui manquait terriblement. Elle détestait l’Internet lent, l’absence de ses amis et les nuits calmes. J’ai essayé de l’impliquer dans mes activités quotidiennes comme le jardinage et la randonnée, mais elle montrait peu d’intérêt.

Au fil des semaines, j’ai remarqué un léger changement chez elle. Émilie a commencé à passer du temps à lire sous le vieux chêne et m’aidait occasionnellement dans le potager. Il semblait que la campagne commençait enfin à faire son effet.

Cependant, la paix fut de courte durée. Un soir, alors que je préparais le dîner, Émilie a reçu un appel de l’un de ses amis resté en ville. Quoi qu’on lui ait dit lors de cet appel, cela a déclenché quelque chose en elle. Cette nuit-là, elle a fait ses valises et a déclaré qu’elle retournait à Paris. Aucun argument n’a pu la faire changer d’avis.

Me sentant vaincu, je l’ai conduite à la gare routière la plus proche le lendemain matin. Le trajet était silencieux, l’air chargé de mots non dits. Lorsqu’elle est montée dans le bus, elle m’a donné une rapide étreinte — cela ressemblait à un adieu à bien plus que la campagne.

Des semaines après son départ, Élise m’a appelé pour m’informer qu’Émilie n’était pas rentrée chez elle. Elle avait disparu dans la ville, sa localisation inconnue. La culpabilité pesait lourdement sur moi. Je n’avais pas réussi à fournir le sanctuaire qu’Élise espérait.

La campagne, avec toute sa beauté sereine, n’était pas un remède à tous les problèmes. Parfois, c’était juste un endroit calme pour réaliser que certains problèmes sont trop profonds, trop résistants aux charmes de la vie pastorale.